Comprendre l’empreinte médiévale dans les villages du Loir-et-Cher

Entre les XI et XVe siècle, la région a connu de grandes mutations : essor des villages, vagues de fortification, essor religieux. Seur et ses voisins – Candé-sur-Beuvron, Les Montils, Chitenay, Fougères-sur-Bièvre, Monthou-sur-Bièvre, Ouchamps, Coulanges et plus loin Cellettes ou Cheverny – sont riches d’un patrimoine souvent méconnu. Mais quels sont ces vestiges qui témoignent aujourd’hui de ce passé médiéval ?

Les châteaux médiévaux : sentinelles du Val de Loire

Le château de Fougères-sur-Bièvre : forteresse 100% médiévale

  • Édifié à la fin du XVe siècle, ce monument impressionne par son authenticité. Contrairement aux châteaux Renaissance foisonnants autour de Blois, celui-ci conserve l’apparence compacte et défensive des édifices médiévaux : vaste donjon, tours rondes, mâchicoulis, archères, douves encore en eau. Si une partie des décors et fenêtres fut modifiée au XVI, c’est le dernier château fort fidèle à l’esprit médiéval dans le Blaisois (source : Centre des monuments nationaux). Il incarne la nécessité persistante de se défendre à la fin du Moyen Âge, dans un contexte marqué par la Guerre de Cent Ans (1337-1453).
  • Anecdote : c’est aussi ici qu’on peut observer un système de toiture à double pente en tuiles plates, caractéristique des forteresses rurales du secteur, rarissime ailleurs.

Donjon et ruines oubliées : la motte seigneuriale de Monthou-sur-Bièvre

  • Au cœur du village, on distingue un étrange tertre boisé : il s’agit d’une motte castrale, vestige daté des XI-XII siècles. Ce type de butte artificielle supportait un donjon de bois puis de pierre, et marquait le pouvoir du seigneur local. Bien qu’aujourd’hui effacée par le temps, la motte de Monthou-sur-Bièvre est l’une des rares à avoir survécu dans son état d’origine (source : INSEE, « Patrimoine rural », 2020).
  • Plusieurs fragments de murs sont visibles dans le bourg, notamment rue de la Motte, attestant de l’ancien enclos seigneurial.

Autres traces castrales dans le paysage

  • À Candé-sur-Beuvron, le « Château du Gué-Péan », d’apparence classique, contient les bases d’un logis seigneurial du XII siècle : voûtes, grandes caves médiévales (non accessibles au public).
  • À Coulanges, subsistent des pans de murs d’enceinte maçonnés en moellon, héritage d’un ancien bourg castral parfois mentionné dans les sources du XIV siècle (Annuaire archéologique du Loir-et-Cher, 1999).

Églises romanes et gothiques : ancres spirituelles du quotidien

Saint-Étienne de Seur : la simplicité du roman rural

  • Bâtie au XII siècle, l’église du village attire par sa façade pudique en petit appareil. À l’intérieur : une nef unique, des chapiteaux ornés de motifs végétaux, une abside en cul-de-four. Ce type d’architecture évoque les modestes priorités des communautés rurales à l’époque, cherchant la solidité plus que l’apparat (Base Mérimée, Ministère de la Culture).
  • On note l’existence d’ossements médiévaux découverts dans l’ossuaire souterrain lors de travaux en 1978 (rapport DRAC).

Chitenay : la « petite église Saint-Martin » et ses fresques retrouvées

  • L’église Saint-Martin fut construite à la charnière des XII-XIII siècles, avec des extensions gothiques au XVe. Le chœur voûté conserve un ensemble de fresques médiévales mis au jour lors de restaurations en 1991 : elles figurent des saints protecteurs et une rare scène de la « psychostasie » (pesée des âmes), scène unique en Loir-et-Cher (source : Base Palissy).
  • Des pierres tombales médiévales, aux inscriptions effacées, ornent toujours le sol.

Fougères-sur-Bièvre : fortifiée et décorée

  • À deux pas du château, l’église Saint-Éloi possède une nef du XIII siècle, épaulée de puissants contreforts, et un portail en arc brisé à chapiteaux feuillus. Au Moyen Âge, l’édifice servait d’abri lors des troubles grâce à sa solidité.
  • En 1914, on découvre une cloche fondue en 1391, portant la mention « Ave Maria, gratie plena », fondue à Blois (coll. privée, inventaire paroissial). Un précieux témoin du sentiment religieux à la fin du XIV siècle.

Bastions villageois : enceintes et maisons fortes

Murs d’enceinte, portes et ruelles» «tordues»

  • Plusieurs villages montrent encore les traces d’anciennes enceintes médiévales : portions de murs épais à Fougères-sur-Bièvre, restes d’une poterne (petite porte de défense) à Chitenay, alignements de maisons bâties pour former une défense continue à Candé-sur-Beuvron.
  • On remarque des tracés de ruelles étroites et sinueuses qui répondaient aux contraintes des anciens remparts. On l'observe dans le « quartier du Vieux Bourg » à Monthou-sur-Bièvre.

Maisons fortes et logis seigneuriaux

  • À Ouchamps, la « Maison du Bailli », enserrée dans son enclos, présente sur son mur nord une fenêtre à coussiège typiquement médiévale (bancs intérieurs de pierre), indicateur rare d’un logis de notable.
  • À Seur et Chitenay, certains corps de ferme renferment (derrière des enduits) des maçonneries de tuffeau en arête, caractéristiques XII-XIII siècles, visibles lors de restaurations récentes (programme « Patrimoine rural », CAUE Loir-et-Cher, 2022).

Patrimoine invisible : puits, ponts et croix

  • Les puits en pierre sèche, nombreux à Candé-sur-Beuvron ou Coulanges, reprennent des techniques de construction attestées dès le Moyen Âge : margelles monolithiques, voûtements bombés.
  • Le « vieux pont » sur la Bièvre, à Fougères, présente des bases de piles du XIII siècle : leur forme arrondie, étudiée par le Service régional d’archéologie, limiterait l’érosion fluviale.
  • Plusieurs croix de carrefour en pierre de tuffeau, polies par les siècles, datent de l’époque médiévale (sources paroissiales locales).

Sites disparus, mémoire vive

Certains vestiges ont disparu mais laissent des traces dans la mémoire orale ou les archives :

  • Près de Seur, sur les hauteurs du « Moulin du Bois », un ancien prieuré du XIII siècle, ruiné depuis la Révolution, dont les pierres furent réemployées dans les murets alentour. Quelques fragments de chapiteaux sculptés dorment encore sous le sol, témoins muets d’un âge où la prière rythmait la vie rurale.
  • Des souterrains-refuges, dits « archies » (abris creusés dans la craie), parsèment discrètement les coteaux autour de Monthou, attestés lors de prospections dans les années 1960 (Inventaire Général du Patrimoine, archives départementales).

Un territoire à explorer… et à préserver

Loin des grandes foules, les villages autour de Seur recèlent un patrimoine médiéval à découvrir pas à pas. À chaque détour de chemin, la modeste pierre d’une église, l’arche perdue d’un pont, les pierres roussies d’un vieux château rappellent qu’ici, le passé dialogue encore avec le présent. Observer ces vestiges, c’est comprendre la ténacité d’une population rurale, toujours aux frontières du pouvoir, des routes et du fleuve. Aujourd’hui, ces traces invitent à la flânerie curieuse — et à la vigilance : nombre d’édifices souffrent du temps et leur transmission dépend de la mobilisation de tous.

Pour aller plus loin : n’hésitez pas à explorer la base POP (Patrimoine ouvert au public), la Base Mérimée ou à contacter l’office du tourisme des Châteaux de la Loire pour organiser des visites guidées ou des balades thématiques. Et lors de vos sorties autour de Seur, gardez l’œil ouvert : des trésors médiévaux sommeillent peut-être derrière la prochaine porte…

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