Seur au Moyen Âge : un village sous le signe de la féodalité

Au Moyen Âge, le paysage de Seur – alors un petit bourg niché sur le plateau qui domine la rive gauche du Beuvron – est dominé par deux pouvoirs distincts mais complémentaires : le seigneur local et l’Église. C’est l’organisation féodale qui structure tout : liens d’allégeance, justice seigneuriale, droits féodaux.

  • Le seigneur tient sa “terre” en fief d’un suzerain, généralement un puissant ducs ou comte, comme ceux de Blois ou de Vendôme.
  • L’Église règne sur les âmes, mais aussi sur de nombreux champs, vignes et moulins : à Seur, l’église Saint-Martin existait déjà dès le XI siècle (Patrimoine religieux).
  • Le tiers état : vaste mosaïque de paysans, artisans et quelques marchands, dont la vie dépend étroitement du seigneur et du clerc.

Hiérarchie sociale villageoise

Dans un village comme Seur, la stratification sociale se distingue par des droits et des obligations bien définis :

  • La noblesse locale : propriétaire du château, des terres et parfois d’un pigeonnier (symbole d’exemption d’impôts et de statut), elle détient la haute et basse justice, prélève la dîme et diverses taxes.
  • Le clergé : recteur ou curé de la paroisse, assisté de quelques religieux, responsable des âmes mais aussi souvent gestionnaire de biens fonciers et des archives du village.
  • Les paysans :
    • Laboureurs (propriétaires ou fermiers)
    • Manouvriers (journaliers sans terre propre)
    • Serfs (rares dès le XIVe siècle, mais présents auparavant)
  • Les artisans (meunier, forgeron, charpentier, potier, tisserand) forment des “corps de métiers” parfois organisés, généralement moins nombreux que les paysans.
  • Quelques commerçants (hôtes, cabaretiers, petits marchands).

Selon les archives départementales du Loir-et-Cher et le cadastre ancien, la population de Seur au Moyen Âge oscillait entre 150 et 250 habitants, soit une trentaine de feux (foyers fiscaux) au XIV siècle.

Vivre à Seur : rythmes et réalités de la vie quotidienne

La communauté villageoise et ses solidarités

Les habitants forment une communauté soudée, dépendante de la “cellule rurale” : famille élargie, alliances de voisinage, entraide aux champs ou aux vendanges. Plusieurs moments-clés structuraient l’année :

  • La fête du patron, Saint-Martin : foire locale, messe et réjouissances (repas communs, jeux traditionnels).
  • Labours et moissons : travaux collectifs, par rotation ou “corvée”, souvent ordonnés par le seigneur pour l’entretien des chemins ou des moulins.
  • Conseil de village : réunion au porche de l’église pour la gestion des biens communaux (prés, bois, pâturages).

Le village se concentre autour de la place, de l’église paroissiale et du château. Quelques maisons rurales, construites en bois et torchis ou en pierre calcaire locale, forment le cœur du bourg. Les terres agricoles encerclent le habitat, sous la forme de “champs ouverts” (openfield), structure typique de la région du Blésois et du Val de Loire.

Des métiers variés pour une économie vivante

Même dans un petit village comme Seur, la répartition des activités est essentielle à la survie du groupe. Voici quelques acteurs-clefs de l’économie médiévale locale :

  • Le meunier : indispensable, il transforme les céréales de tout le village. Le moulin, propriété du seigneur ou parfois de l’abbaye de Pontlevoy, fait payer le “banal” (taxe obligatoire).
  • Le forgeron et le maréchal-ferrant : réparent outils, charrues, ferrent les chevaux.
  • Le tailleur de pierre ou maçon : essentiel lors de la construction ou la réparation de l’église, du four à pain (four banal) ou des ponts.
  • Les femmes : nourricières et artisanes – filage de la laine, tissage, préparation du lin, tenue des jardins et élevage de la basse-cour.
  • Le berger : souvent un enfant chargé de surveiller les troupeaux communautaires dans les pâturages du Beuvron.

Les terres, le pouvoir et la circulation des richesses

La seigneurie, moteur de l’économie locale

Le système seigneurial structure toute la vie économique :

  1. Le “ban” seigneurial : le seigneur impose des droits exclusifs (droit de four, de moulin, de chasse), que les villageois doivent payer : la redevance en argent ou en nature.
  2. Les dîmes ecclésiastiques : le dixième des récoltes est remis à l’Église, qui redistribue une partie lors des périodes difficiles (mauvaises années, invasion, disette).
  3. La mainmorte et le servage : si le servage est en recul dès le XIVe siècle autour de Blois et Seur (Revue Annales, EHESS), la dépendance économique à la seigneurie demeure forte.

Le tableau suivant donne une idée des principaux prélèvements opérés à Seur et dans les villages voisins lors de la période 1100-1400 :

Type de redevance Proportion Bénéficiaire
Dîme 10% sur les récoltes Église (paroisse locale ou abbaye tutélaire)
Cens Montant fixe (par an, par foyer) Seigneur local
Droit de banalité Variable (usage du four, moulin, pressoir) Seigneur ou abbaye
Corvées Quelques jours/an Seigneur, collectivité

La circulation monétaire et les échanges locaux

Jusqu’au XIII siècle, l’économie de Seur reste essentiellement fondée sur le troc ou le paiement en nature (blé, vin, laine). Les foires de Saint-Martin ou de Blois permettent d’échanger surplus agricoles, fromage, volailles, outils, textiles. L’usage de la monnaie (denier, puis sou tournois) gagne du terrain à partir des années 1250, parallèle à la naissance d’une petite classe de marchands et de notaires.

La vigne, déjà mentionnée dans les archives du prieuré de Saint-Gervais dès le XII siècle (Cartulaire du chapitre Saint-Martin de Blois), fait partie des richesses agricoles notables du bourg. Les habitants produisent pour leur propre consommation mais écoulent parfois le surplus vers Blois ou Montrichard.

Crises, héritages et transformations médiévales

Pestes et guerres : impacts sur Seur et la structure de la société

Le Moyen Âge n’est pas un long fleuve tranquille – ni pour Seur, ni pour ses voisins. Deux grandes crises marquent le XIV siècle :

  • La peste noire de 1348 : on estime qu’un tiers de la population rurale de la vallée du Beuvron aurait disparu en une décennie, bouleversant les structures sociales (source :Économie Rurale).
  • La guerre de Cent Ans : passages de troupes, réquisitions, pillages ; beaucoup de terres restent temporairement en friche, réduisant la taille des communautés villageoises à leur minimum historique (15-20 feux à Seur selon les comptes de fouage de 1380 - Archives Nationales).

Mutation de la société rurale et apparition de nouveaux acteurs

À la faveur de ces bouleversements, la société évolue :

  • Moyennisation du monde paysan : apparition de petits propriétaires ou “laboureurs aisés”, souvent descendants de serfs libérés, qui achètent des terres de mainmorte.
  • Consolidation de l’artisanat rural : apparition de nouveaux métiers, tels que sabotier, maçon, marchand ambulant dès le XVe siècle.
  • Poids croissant de l’Église et des abbayes : dans un contexte d’insécurité, les prieurés (comme celui du chapitre Saint-Martin de Blois) contrôlent toujours plus de terres et de moulins autour de Seur.

Perspectives : quelles traces aujourd’hui à Seur ?

Promenez-vous dans les ruelles de Seur, et les échos du Moyen Âge sonnent encore sous vos pas. Si le château originel n’existe plus, la toponymie (la rue du Four Banal, le lieudit “Le Moulin”), les restes de la vieille église Saint-Martin et les parcelles longilignes de champs témoignent de cette organisation ancienne. Découvrir la structure sociale et économique médiévale de Seur, c’est toucher du doigt la fabrique d’une société rurale faite d’obligations mais aussi de solidarité, de petites communautés et d’ingéniosité paysanne. Cet héritage continue d’imprégner le paysage, l’urbanisme et même certaines fêtes traditionnelles du village et de sa région.

Sources principales :

  • Archives départementales du Loir-et-Cher et Cartulaires médiévaux
  • C. Lauranson-Rosaz, “Villes et campagnes du Loir-et-Cher au Moyen Âge”
  • Économie rurale, n° 75 (1973), La société rurale française à la veille de la guerre de Cent Ans
  • P. Charbonnier, “Paysans du Loir-et-Cher au Moyen Âge”, Histoire & Sociétés Rurales, n°22
  • Cartulaire du chapitre Saint-Martin de Blois, éd. Bonnin, OpenEdition Books

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