Les seigneuries médiévales autour de Seur : Une mosaïque de pouvoirs locaux

Au Moyen Âge, le territoire de Seur se composait d’une véritable mosaïque de seigneuries imbriquées. L’organisation féodale structurait la région, où chaque parcelle appartenait à un seigneur ou à une famille noble, souvent sous la suzeraineté d’un grand seigneur voisin comme ceux de Blois ou de Cheverny.

  • La seigneurie de Seur : attestée dès le XIII siècle, dépendait historiquement du comté de Blois. Elle comprenait, au-delà du bourg, plusieurs métairies et hameaux. (Source : Archives départementales du Loir-et-Cher, E 857)
  • Cheverny : la seigneurie voisine, souvent mentionnée dans les actes médiévaux, incluait Seur comme l’une de ses paroisses périphériques, notamment avant le rattachement définitif de Seur à Blois.
  • La Commanderie de Villechauve : établie près de Chitenay, à quelques kilomètres, elle illustre la présence active des ordres religieux-militaires (Templiers, puis Hospitaliers) dans la structuration foncière du secteur (cf. P. Héliot, Commanderies du grand prieuré d'Aquitaine, 1969).

L’importance de ces seigneuries ne se limitait pas aux terres : elles organisaient aussi la vie judiciaire, la défense locale, percevaient la taille et administraient la justice seigneuriale. Les archives prouvent la tenue de plusieurs chartes, ventes de terres et actes de donation à l’église par les seigneurs de Seur du XIII au XVe siècle (cité dans La Sologne médiévale, Société archéologique de Loir-et-Cher).

Des seigneurs marquants : figures et familles de la chevalerie à Seur

Quels étaient les visages de ces seigneurs qui dirigeaient Seur au Moyen Âge ? Plusieurs familles se sont succédé, dont les patronymes figurent encore dans les archives et sur les vieux registres paroissiaux.

  • Les de Seur : Aymeric de Seur (actif en 1248) est mentionné pour avoir accompagné le comte de Blois lors de la septième croisade. Son retour a donné lieu à une donation de terres à l’église de Seur (Cartulaire de la cathédrale de Blois).
  • Les Mellet : famille noble qui apparaît au XIV siècle. Geoffroy Mellet fut capitaine lors de la guerre de Cent Ans et participa à la défense des communautés paysannes de la vallée contre les routiers.

Le rôle de ces seigneurs n’était pas uniquement militaire. Ils géraient le moulin seigneurial, percevaient les corvées et taxaient le marché local. Anecdote : En 1378, une dispute entre le seigneur de Seur et celui de Chitenay sur des droits de pêche a donné lieu à une sentence arbitrale conservée aux archives locales – témoignage de la vie quotidienne et des rivalités entre fiefs (AD41, B 2099).

Templiers et Hospitaliers : chevaliers au service de la foi et du territoire

Le mythe templier plane sur les campagnes françaises, et Seur ne fait pas exception. À la lisière de son territoire, la Commanderie de Villechauve, fondée au XII siècle par les Templiers, gérait des terres, percevait des rentes et servait de relais sur la route de Saint-Jacques de Compostelle. Après la dissolution de l’ordre en 1312, les Hospitaliers reprirent les biens.

  • Plusieurs actes du XIII siècle attestent de donations faites « aux frères du Temple » sur le territoire de Seur et de Les Montils (Archives nationales, S 5461).
  • La commanderie accueillait pèlerins et voyageurs en transit, favorisant ainsi la circulation des hommes et des idées entre Blois, Tours et la Sologne.

Des fouilles au XIX siècle ont mis au jour des vestiges de bâtiments fortifiés à Villechauve, attestant d’une présence matérielle forte des Templiers (Société archéologique du Loir-et-Cher, Bulletin 1872).

Organisation sociale et économie locale : la vie quotidienne à l’ombre du château

Si la société médiévale était structurée autour des seigneurs, elle vivait d’abord au rythme du travail paysan et artisanal. Entre le XI et le XVe siècle, Seur comptait entre 120 et 180 habitants (Évaluation par extrapolation des feux fiscaux, AD41, Censiers de 1412).

  • Paysans libres et serfs : La majorité des habitants travaillaient la vigne, cultivaient le blé et élevaient des moutons sur les communaux.
  • Artisans : Certaines familles vivaient de la tannerie, de la fabrication d’outils agricoles ou du moulin à eau du seigneur.
  • L’église paroissiale : Centre spirituel et social, elle abritait les fêtes et les foires qui ponctuaient l’année (registre de l’église Saint-Étienne, AD41, G 3047).

La dîme prélevée par le curé était souvent source de tensions, notamment lors de mauvaises récoltes : des rogations et processions spéciales étaient alors organisées, en quête d’une protection divine contre la grêle ou la sécheresse (mentionné dans le même registre).

La région face aux conflits : Guerre de Cent Ans et querelles locales

Du règne de Philippe Auguste jusqu’aux derniers Valois, la région n’a pas été épargnée par les guerres. Le passage des bandes armées, surtout pendant la guerre de Cent Ans, a bouleversé la vie quotidienne.

  • En 1429, Jeanne d’Arc emprunta la route de Blois à Orléans : Seur, sans être un axe principal, accueillit le passage de troupes et de fourrage (cf. Françoise Michaud-Fréjaville, Jeanne d’Arc et la région de Blois).
  • Les « routiers » (soldats sans solde) ont incendié une partie des granges de Seur en 1359, forçant la population à se réfugier dans les bois, selon un procès-verbal conservé à Blois (AD41, D 190).

Au quotidien, la crainte persistante des pillages ou de la réquisition de vivres obligeait les habitants à fortifier leur église et, selon les fouilles, à creuser des caves-refuges sous certaines maisons du vieux bourg.

Vestiges médiévaux : que reste-t-il aujourd’hui à Seur ?

Pour qui sait observer, Seur conserve encore des traces tangibles de son passé médiéval, bien que les reconstructions du XIX siècle aient masqué plusieurs vestiges anciens.

  • L’église Saint-Étienne : Partiellement fondée au XII siècle, elle a conservé le chevet roman et plusieurs chapiteaux à décor végétal typiques. Les murs nord révèlent des pierres d’appareil et une petite fenêtre en plein cintre.
  • Le Vieux Pigeonnier : Daté du XIV siècle d’après des analyses de charpente, symbole des droits seigneuriaux sur la reproduction des pigeons (Inventaire général, DRAC Centre-Val de Loire).
  • Le réseau de caves et de souterrains-refuges : Plusieurs caves voûtées sous les maisons de la rue du Bourg pourraient dater des périodes troublées de la guerre de Cent Ans (rapport d’expertise archéologique, B. Brossard, 2002).

De nombreux toponymes (“La Motte”, “le Chemin du Moulin”) rappellent la présence médiévale des mottes castrales et des activités agricoles ancestrales.

La dimension religieuse : un village sous la protection des saints

L’importance religieuse du Seur médiéval se lit aussi bien dans les pierres de son église que dans le calendrier des habitants. Outre la dîme, la paroisse avait la charge de deux tertres-cimetières distincts (un pour le bourg, un pour le hameau de « La Boulassière », source : G. de Saint-Pierre, La vie paroissiale en Blésois au Moyen Âge).

  • Chaque année, la fête patronale de Saint-Étienne donnait lieu à des processions et des marchés francisés, tolérés par le seigneur local, favorisant échanges et charité.
  • Plusieurs donations terriennes à l’église par des seigneurs locaux sont citées : elles permettaient l’entretien de la nef et les aumônes (“messes anniversaires”) pour le salut des âmes.

Les liens avec les abbayes voisines (Pontlevoy, Bourgmoyen à Blois) sont attestés par des actes de partage de revenus et l’accueil de moines itinérants lors de certaines grandes fêtes religieuses.

Transformations du XI au XVe siècle : mutations de l’espace, passage d’une époque

L’évolution de Seur entre le XI et le XVe siècle témoigne de profondes mutations :

  • Urbanisme : Le village s’est développé autour de l’église, puis s’est étendu le long de l’actuelle rue du Bourg, repoussant le cœur médiéval vers le sud au XVI siècle suite aux réaménagements postérieurs.
  • Défrichements :  Des chartes du XII siècle rappellent le rôle crucial des défricheurs (“essarteurs”) venus s’installer des campagnes alentour, permettant le développement des cultures céréalières.
  • Changements sociaux et économiques : À la faveur de la paix retrouvée après la guerre de Cent Ans, de nouvelles familles d’artisans s’installent à Seur ; un notaire s’y fixe dès 1487, signe d’un renouveau administratif (signature conservée, AD41, Minutes notariales).

Le passage de l’époque féodale à la Renaissance modifie en profondeur le village : transformation du réseau de chemins, essor de la propriété privée, et montée en puissance de la bourgeoisie locale au détriment de l’ancienne noblesse villageoise.

Redécouvrir le Moyen Âge à Seur : un patrimoine vivant à explorer

Au détour d’un sentier ou d’une vieille pierre, le Moyen Âge reste présent à Seur : dans la déformation des rues, le clocher roman, les noms des lieux ou les traditions qui ont traversé les siècles. Ces vestiges, discrets mais persistants, invitent à porter un nouveau regard sur le paysage local, entre histoire et imaginaire : une invitation à explorer autrement le Loir-et-Cher, à la rencontre de ses racines médiévales et d’un patrimoine humble, mais ô combien attachant.

Sources principales : Archives départementales du Loir-et-Cher (fonds E, G et D), Bulletin de la Société archéologique de Loir-et-Cher, P. Héliot – Commanderies du grand prieuré d’Aquitaine, inventaires DRAC Centre, Françoise Michaud-Fréjaville, Jeanne d’Arc et la région de Blois.

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